La deuxième vie des stimulateurs cardiaques
Présentation
Les implantations de stimulateurs et défibrillateurs cardiaques sont courantes en France (respectivement 75000 et 10000 dispositifs par an) et dans les pays développés, contribuant à l’amélioration de la morbi-mortalité d’origine cardiovasculaire, tandis que les pays en développement y ont très peu accès. Le nombre de décès lié au défaut de stimulation cardiaque est évalué de l’ordre de 1 million de personnes par an dans le monde.
Les dispositifs implantables sont équipés d’une batterie intégrée susceptible de fonctionner 8 à 10 ans en moyenne, et ils sont assez régulièrement explantés avant l’usure de la batterie :
- le remplacement du dispositif peut être anticipé en cas de complication, infectieuse notamment, mais surtout pour le remplacer par un appareil plus performant afin d’améliorer le système de stimulation ou de défibrillation (« Up-Grading »).
- l’explantation est également effectuée en cas de décès, obligatoire avant crémation en raison du risque d’implosion, et recommandée dans tous les cas pour des raisons écologiques.
Les établissements de soins sont amenés à collecter un nombre important de Dispositifs Médicaux Implantables Actifs (DMIA) explantés, dont l’élimination comporte un double risque infectieux (DASRI) et toxique, et se fait le plus souvent par un retour au fabricant. Il en est de même des thanatopracteurs et autres professionnels du funéraire, qui ont recours en règle à des sociétés de retraitement spécialisées dans l’élimination des Déchets à risque. Au total, un nombre considérable de boitiers explantés non défectueux sont mis au rebut, faute d’une filière organisée de récupération à des fins humanitaires.
La réutilisation des stimulateurs cardiaques explantés est interdite en France et dans la plupart des pays développés. Elle est cependant possible, sûre et efficace. De nombreux travaux l’ont montré depuis 30 ans, confortés en 2011 par la 1ère méta-analyse portant sur 2270 patients inclus dans 18 essais. L’équipe de Sorin Pescariu a publié depuis une série rétrospective de type cas-contrôle portant sur 157 défibrillateurs et 127 dispositifs de resynchronisation réimplantés en toute sécurité.
Les collaborations sont nées le plus souvent de relations tissées lors de la venue en formation en France de cardiologues ayant ensuite organisé l’activité de stimulation dans leur pays. Nous cherchons bien sûr à nous assurer de l’honnêteté des équipes demandeuses de dispositifs, des critères de sélection des patients, tant sur le plan économique (les patients assurés ou fortunés recevant des appareils neufs facturés) que médical. Parmi les centres destinataires des dons, qui ont évolué au cours des 40 dernières années, Pondichéry, en Inde, est le partenaire le plus régulier, du fait d’excellentes relations avec les médecins de l’hôpital JIPMER qui possèdent toutes les compétences requises, la plupart des programmateurs et nous tiennent parfaitement informés du devenir des patients : leur dernière publication référencée ci-dessous est un vibrant plaidoyer pour la réutilisation des dispositifs explantés (Cliquez ici pour lire l'article). Timisoara, en Roumanie, a été longtemps un centre « privilégié », un des premiers à étendre la réimplantation aux défibrillateurs et aux stimulateurs biventriculaires; son intégration européenne a mis un terme à la réutilisation des dispositifs explantés. Citons par ailleurs le Vietnam, la côte d’Ivoire, le Chili, l’Equateur, l’Ethiopie…
Nous tenons à remercier chaleureusement les correspondants, médecins cardiologues pour la plupart, mais aussi soignants et techniciens, qui adressent parfois des dons depuis plusieurs années, et contribuent ainsi à faire vivre cette chaîne de solidarité et à sauver des vies humaines (lien). Nous remercions aussi vivement les thanatopracteurs et autres professionnels des chambres mortuaires, qui ont amorcé avec STIMdéveloppement des collaborations plus récentes. Ce site permettra de publier régulièrement la liste de nos donateurs, comme le faisait régulièrement auparavant la revue Stimucœur (cf lettres aux adhérents et bilans d’activité).
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